Trop conscient de l’inconscient

Il existerait un ennemi invisible lorsqu'on est parent. Notre enfant a une existence cachée, un "double" qui comprend tout, entend tout, à qui il faut tout dire ou justifier : le fameux inconscient de la psychanalyse. Que doit-on en penser ? Cet inconscient est-il si conscient que cela ?

Selon l'hypothèse freudienne, la vraie personnalité de l'enfant se construit ailleurs que dans la réalité. C'est par les dessins chez l'enfant, par l'interprétation des associations libres et des rêves de l'adulte, que se révèle le contenu caché ou latent de cet inconscient qui règne en maître absolu. Dans ce royaume du "refoulé" s'exprime réellement nos sentiments, pensées, toute notre vie psychique. Mais seul l'analyste, grand initié, peut décrypter ce langage inaccessible au simple raisonnement ou à la conscience.

L'inconscient tout-puissant ?

Si on adhère à l'imaginaire de Freud et de ses disciples, l'inconscient de l'enfant peut donc tout comprendre et on peut tout lui dire ! D'où cette terrible injonction pour les parents : pas de secrets, il faut dire à l'enfant, agir de telle ou telle façon selon l'exigence du dogme (les fameux stade, comme l'invention du complexe d'Oedipe), et surtout le considérer comme un adulte à part entière puisqu'inconsciemment il vous entend et se développe malgré vous. Souvenez-vous de la célèbre réplique de Freud : "Parents, quoi que vous ferez, vous le ferez mal !". L'enfant existe sans nous, les parents, sans notre méditation éducative, puisque son inconscient est seul maître à bord.

Un mental en marturation

Selon Françoise Dolto, on peut tout dire au petit enfant puisque son inconscient est doté du même outil d'abstraction que l'adulte ! Or, nous le savons depuis longtemps, les travaux de Jean Piaget, puis ceux des chercheurs en sciences cognitives, l'ont démontré : un enfant ne comprend que ce qu'il est capable de comprendre, selon son âge, selon sa maturation mentale. De la naissance à 5 ou 6 ans, il ne dispose que d'un outil cognitif très primaire, il ne peut saisir que des données concrètes, très visuelles, il ne peut conceptualiser, émettre des hypothèses, se distancer des actions. Il n'existe donc pas de "double" doué d'une puissance mentale exceptionnelle. Les parents n'ont pas à limiter leur éducation par crainte de pseudo-forces obscures inconscientes de leur enfant.

Ne plus craindre les sirènes de l'inconscient, c'est, au quotidien, savoir retrouver un "bon sens" éducatif avant une éventuelle quête de sens.

Source : PsychoEnfants septembre-octobre 2007